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La peinture est un séduisant modèle réduit du monde

 

Les matières premières de la peinture ne sont peut-être pas la couleur, la ligne ou la lumière, comme on pourrait le croire devant toute peinture. Ce qui est primordial, pour faire de la peinture, c'est: la volonté, la patience, le doute, et la vertu fondamentale, l'humilité. Mais la volonté doit prendre le dessus, pour s'engager dans cette aventure sans fin qu'est le métier de peintre. Il faut une patience et une volonté sans faille pour se confronter sans cesse aux difficultés de l'art de peindre. Réduire sa vue du monde à une petite surface en deux dimensions est une gageure incroyable, et qui porte pourtant en elle un potentiel souvent euphorisant. Comme le mentionnait avec humour Claude Lévi-Strauss, toute peinture n'est jamais qu'une maquette du monde, un modèle réduit.
Josyane Desclaux, comme tous les peintres qui en ont fait l'expérience, se place devant le motif aux paramètres complexes et qu'il s'agit de traduire en deux dimensions. Le paysage est là, on le voit, on le sent, on l'envisage déjà réalisé. C'est très important ce moment où l'on voit le sujet, on l'observe dans la réalité et on le voit déjà peint. Mais entre les deux moments que d'interrogations, de travail, de retours sur le travail, d'instants d'euphorie parce que la peinture avance au mieux du rêve. Mais, en plein plaisir de peindre, la désillusion guette le peintre, qui butte sur une lumière impossible à rendre, sur un espace qui ne tient pas ou ou sur la légèreté des nuages qui passent dans dans leur beauté indicible. La patience et l'expérience sont alors les vrais maîtres qu'il faut solliciter. Les peintres qui ont appris son métier à Josyane Desclaux ne lui ont pas enseigné autre chose: la patience pour reprendre le motif, l'expérience, par le travail toujours repris pour trouver les solutions. La joie d'une peinture, qui réalise enfin la vision première, récompense ce long travail de confrontation avec la beauté du monde. Cette volonté, cette patience, cette expérience, on les ressent dans les oeuvres de Josyane Desclaux. Peindre la Provence demande beaucoup de savoir-faire; on pourrait croire que la beauté originelle des paysages, de la campagne ou de la mer, facilite la peinture: il n'en est rien. Cézanne luttait sans cesse, avec volonté et expérience, pour attraper la sensation juste devant des paysages qui, en Provence, sont d'une lumière complexe et d'un rendu difficile. Préciser le moutonnement lumineux des oliviers ou placer des enduits, gorgés de soleil, sur les murs d'un hameau, indiquer le reflet juste sur le miroitement d'une coque de bateau, tout cela demande une perception du monde qui passe par l'appropriation  des sensations et ensuite par la réflexion sur la réalisation. Alors seulement, une alchimie complexe traduit les perceptions, les sensations, les désirs même, en une matière picturale qui nous parle du plaisir du monde. Le plaisir, souvent inexplicable, de la contemplation d'un petit morceau de modèle réduit du monde, ne se trouve que dans cet art exigeant et séduisant qu'est la peinture.

 

Gilbert Croué
Historien d'art